Et si ces Parcs Nationaux n’étaient pas là ?

Et si ces Parcs Nationaux n’étaient pas là ?

Madagascar National Parks ou MNP a récemment décidé d’augmenter le DEAP ou Droit d’Entrée aux Aires Protégées dont ci-après une lettre l’annonçant que j’ai vue sur Facebook. Cette augmentation ne sera en vigueur qu’à partir du mois de novembre prochain mais elle a déjà suscité des réactions surtout négatives de certains acteurs du tourisme sur les réseaux sociaux. Des réactions que je trouve parfois excessives.

DEAP_MNP

Consentement à payer (CAP) des touristes : 18 à 25 dollars

L’enquête sur le consentement à payer des touristes dans les aires protégées qui s’est déroulée pendant la période de haute saison touristique, soit d’avril en août 2014, a permis de savoir les perspectives d’amélioration de revenus de ces parcs. L’échantillonnage (1200 touristes étrangers) est largement représentatif des profils des visiteurs et des caractéristiques de conduite de ces derniers. Les enquêtes ont eu lieu uniquement auprès des touristes étrangers en fin de visite dans dix aires protégées les plus fréquentées actuellement à Madagascar.

Pour calculer la valeur du CAP, l’étude a procédé à une évaluation contingente, consistant à apprécier le montant que les touristes consentent à payer pour les entrées dans le parc, et ce selon les hypothèses suivantes. Pour la première hypothèse, le produit (le parc) reste tel qu’il est et sera sans changement, tandis que les autres hypothèses supposent qu’on aura des améliorations respectivement sur l’accès vers le parc (à partir de la route nationale ou de l’agglomération la plus proche), l’hébergement dans le parc, le service de guidage, et les circuits. L’étude a également cherché s’il existe des relations entre le CAP et plusieurs autres  variables (revenus, nationalité, âge, voyage organisé par un TO ou non, etc.).

Les résultats ont montré une augmentation plausible du DEAP à  partir de 18 US$ dans la mesure où c’est le CAP obtenu que ce soit à partir de la moyenne arithmétique ou de la méthode économétrique utilisée pour l’analyse, même si aucune amélioration n’est proposée tant sur le service que sur les aménagements physiques dans le parc (1ère hypothèse). Dans ce cas, considérer des CAP inférieurs à 18 US$, pour les autres hypothèses (quatre différentes propositions d’amélioration) ne paraît pas rationnel.

Sur la base des analyses, on a conjecturé que l’augmentation du DEAP entrainerait une déperdition d’un certain nombre de visiteurs. Mais cette situation reste hypothétique, notamment concernant le pourcentage de déperdition. Si les touristes ne viennent pas à Madagascar, ce ne serait quand même pas à cause des tickets d’entrée à 18 dollars dans les parcs mais suite surtout à d’autres paramètres comme l’insécurité, le dysfonctionnement de la compagnie aérienne, l’instabilité politique, etc.

Par rapport à la satisfaction des visiteurs, le taux élevé de significativité positive pour certains parcs a ouvert la possibilité d’appliquer un tarif différencié par parc. Les visiteurs d’Isalo et d’Ankarana ont par exemple montré un niveau de satisfaction particulièrement élevé par rapport aux autres parcs. La corrélation entre le niveau de satisfaction et le CAP est tout aussi manifeste. De ce fait, il a été proposé une stratégie de différenciation des prix en fonction de la qualité des parcs au lieu d’un tarif unique pour l’ensemble du réseau.

« Tompony mangataka atiny »:

Mentionnés en Ariary, ces tarifs semblent effectivement exorbitants. Mais est-ce réellement le cas pour les touristes étrangers qui viennent ici, alors que la clientèle touristique appartient majoritairement (74,6%) à la classe de revenus supérieurs à 3.000USD, dont plus de 19% au delà de 6.000USD. Seulement 5,9% gagnent moins de 1.000USD, toujours selon les résultats de l’enquête.

Comparé à ceux des parcs naturels aussi bien en Afrique qu’en Amérique latine, je pense que ces nouveaux prix d’entrée demeurent tout à fait raisonnables. Par ailleurs, ces nouveaux DEAP sont largement inférieurs aux tarifs des nuitées affichés par la plupart des hôtels à Madagascar. Notons que MNP a toujours maintenu le prix d’entrée dans tous les parcs sans exception à onze (11) dollars pendant plusieurs années. En même temps, les tarifs des hôtels et des autres prestations touristiques ont déjà connu une hausse relativement conséquente. Ce sont donc surtout ces derniers qui profitent financièrement du secteur du tourisme. Personne n’est pourtant sans savoir que les parcs nationaux constituent le capital naturel, gage du développement du tourisme à Madagascar. Sans ces parcs, la Grande île ne représenterait plus grand-chose sur le plan touristique au niveau mondial. MNP a donc toujours été le « tompony mangataka atiny » (le propriétaire qui demande qu’on veuille bien lui donner le foie) en ne recoltant qu’une miette sur le volume total des chiffres d’affaires générés par le tourisme à Madagascar.

Avec le prix actuel de 11USD, le réseau national des aires protégées de Madagascar est condamné à rester sous perfusion financière constante. Les recettes reçues actuelles sur les droits d’entrées n’arrivent pas à couvrir les dépenses de fonctionnement des 55 aires protégées composant le réseau. D’autant plus que seule une dizaine d’entre elles attirent les visiteurs. Les principales ressources financières du réseau proviennent donc des bailleurs de fonds et du Budget de l’Etat. Il ne faut pas oublier qu’outre le développement de l’écotourisme, la vocation principale de MNP est le volet conservation qui nécessite des moyens importants tant sur le plan matériel qu’humain sans parler de sa contribution pour le développement socio-économique local.

Des investissements à faire par MNP:

Toutefois, quel que soit le nouveau DEAP décidé par MNP, je pense que des améliorations sont toujours nécessaires. L’enquête a relevé que 61% des touristes consentiraient à payer davantage pour le scenario de réhabilitation des routes vers les parcs. En effet, outre les travaux de réhabilitation des pistes d’accès qui sont déjà effectifs à Isalo et à Ankarana, recommandation a été formulée de déployer ces actions dans les autres parcs, et par la suite de prévoir des fonds conséquents pour les travaux d’entretien.

Une autre amélioration très appréciée par les touristes consiste à l’existence d’un hébergement dans le parc. Cela conforte l’initiative de mise en concession hôtelière déjà enclenchée par MNP. Notons à ce titre que les campements, les ecolodges, et les cabanes perchés attirent presque deux tiers des touristes. Et ces derniers sont disposés à rallonger de deux à trois jours de plus, leurs séjours sur le site.

Signalons enfin que les infrastructures d’assainissement (WC, poubelle, points d’eau courante, etc.) sont satisfaisants pour 27% à très satisfaisants pour environ 18% des répondants. Ceux qui ne sont pas ou sont peu satisfaits représentent environ 24%, et ceux qui n’ont pas d’opinion comptent pour environ 31%. De ce fait, les infrastructures d’assainissement dans la quasi-totalité des parcs sont à améliorer, de même que les panneaux informatifs et les aménagements des aires de repos / camping. L’amélioration de la qualité des circuits (état des pistes, longueur / durée, nombre) viendrait en deuxième priorité.

5 réflexions au sujet de « Et si ces Parcs Nationaux n’étaient pas là ? »

  1. Mais je me demande pourquoi il y a autant d’écart entre les touristes étrangers et les nationaux? je sais on va dire c’est une question de pouvoir d’achat…Etc…mais ça passe mal-près de certains vazaha qui sont venus à Mada…ils se demandent ce que cette « discrimination » signifie…surtout quand les groupes sont composés de malgaches et de vazaha… ‘(ils évoquent souvent la situation inverse, comment on réagirait s’il y avait cette différence de prix quand on va visiter leur site touristique)

    Aimé par 1 personne

    1. Bonjour, je suis malgache et je comprends parfaitement cette réaction. Le pouvoir d’achat n’est pas acceptable comme justification. En effet, la différence de pouvoir d’achat est généralement plus élevée, entre nous, les malgaches, qu’entre nous et les vazaha. En effet, beaucoup de malgaches vivent mieux que des vazaha (qu’ils viennent de Madagascar ou de l’étranger) ; sans parler qu’ils vivent beaucoup mieux que les autres malgaches. La disparité des richesses est ainsi. Nous devrions payer plus que ce que nous devons payer la plupart du temps, nous voulons faire supporter le développement de notre propre pays par les étrangers et n’avons alors aucun patriotisme. Nous faisons tout pour ne pas payer nos impôts et mettons tout sur la faute des autres. Le problème, c’est que c’est si facile de distinguer, résident, malgache, étranger…. mais comment assumer le fait qu’au sein des malgaches, il y a le malgache très très aisé (1%), le malgache aisé (2%), le malgache moyen (10%) et le malgache extrêmement pauvre (87% – celui-ci ne fait de tourisme) (chiffes au pif bien sûr)… Les malgaches tés aisés et aisés abusent de ce système qu’ils ont eux mêmes créés et pourtant, leur CAP est telle qu’elle serait suffisante à faire soutenir le tourisme à Madagascar….

      J’aime

  2. Effectivement, tu as raison. Cette différence choque toujours les vazaha, mais MNP (l’Etat aussi je pense) souhaite garder ce prix symbolique pour les malgaches afin de les inciter à visiter les parcs nationaux. D’autant qu’avec ce prix, les nationaux ne dépasseraient même pas 30% des visiteurs dans les parcs les plus connus. Ce taux est négligeable dans les autres parcs. Les visiteurs malgaches ont été carrément exclus de l’étude sur le CAP.

    Aimé par 1 personne

Laisser un commentaire