Recueillir les déjections humaines pour en faire du compost, une telle chose demeure impensable pour la grande majorité des malgaches, d’autant plus que dans de nombreuses contrées rurales du pays, la défécation à l’air libre reste d’actualité. Par ailleurs, l’utilisation d’un WC quel que soit son type est encore considérée comme un tabou pour certaines tribus. Mais même dans les villes où le taux d’emploi de toilettes atteint déjà une proportion très élevée, le fait de réutiliser, recycler et valoriser des déjections humaines reste difficilement acceptable pour la population.
Toutefois, un tel concept existe bel et bien à Madagascar, l’urine est vendue en quantité comme fertilisant liquide, et ce grâce à l’initiative d’une ONG dénommée Saint Gabriel ayant son siège national dans la ville de Toamasina. Ce billet fait suite à la récente visite que nous avons effectuée auprès de cette ONG.
L’ONG Saint Gabriel oeuvre principalement dans les domaines de l’eau potable, de l’assainissement et de l’hygiène. Plus précisément, son objectif consiste à donner accès durable à l’eau potable, à l’assainissement et à l’hygiène à la population aussi bien en milieu rural qu’urbain à Madagascar. Pour cela, l’ONG ne se contente pas de mener des actions relatives à l’éducation, la sensibilisation et l’information de la population pour le changement de comportement en hygiène et assainissement mais apporte les expertises et les matériaux nécessaires pour la mise en place des infrastructures sanitaires.
Aussi, parmi les nombreuses activités de l’ONG figurent-elles la production et l’installation de latrines hygiéniques dans les différents quartiers généralement pauvres de Madagascar notamment à Toamasina. Pour cela, l’ONG travaille en étroite collaboration avec une entreprise appelée Sani-marché.
Des latrines adaptées aux besoins des familles :
Sani-marché produit plusieurs types de latrines hygiéniques dont les caractéristiques techniques divergent suivant le nombre de personnes dans le foyer, les caractéristiques physiques du lieu d’implantation (profondeur des nappes phréatiques, etc.), la disponibilité des matériaux locaux de construction, la nécessité de produire ou non de compost, etc. Des échantillons de ces latrines sont disponibles sur le site de Sani-marché.
Les matériaux utilisés pour la « superstructure » (la maisonnette) peuvent varier en fonction de la demande de la famille mais aussi et surtout suivant leur occurence dans les localités d’implantation. On peut ainsi avoir des WC totalement en bambous, en feuilles de « ravinala », en bois ou encore en tôles, etc. L’usage mixte de ces matériaux est également courant.
Pour « l’infrastructure » (la fosse, la dalle et le siège WC), l’entreprise fabrique elle même les buses et les dalles en béton pour la fosse tandis que le client a un large choix entre les divers types de sièges proposés, allant des sièges en céramique comme à l’accoutumée jusqu’aux multiples variétés de sièges en béton, voire des abattants WC en bois.
La valorisation des excrements :
Pour ceux qui optent pour la valorisation de l’urine et/ou des excréments, quelques options sont déjà prévues à cet effet. Parmi les nombreux types de latrines proposés, l’on note surtout l’existence d’un dispositif qui permet de séparer immédiatement l’urine des selles. Ce système d’évacuation distincte du pipi et du caca permet entre autres de réduire fortement les mauvaises odeurs.
Sinon, l’implantation d’un WC à double fosse permet de produire et de récupérer facilement de l’engrais, cela évite en même temps le recours au système traditionnel de vidange des latrines. Pour cela, les deux fosses sont utilisées en alternance. Quand une fosse est remplie, on la laisse hermétiquement fermer pendant une assez longue durée et c’est l’autre fosse qui est opérationnelle pendant ce laps de temps. Le contenu est généralement mélangé avec des cendres de bois. (Photo: une responsable expliquant le fonctionnement d’un WC à double fosse).
Le processus de transformation est donc simple et déjà très connu par le nom de «toilettes sèches». Les produits récupérés servent ensuite à la fertilisation des sols.
De l’engrais liquide mis en vente :
Le site de l’ONG dispose également d’un système très simple de récupération immédiate de l’urine à partir d’un urinoir fabriqué localement. L’urine se déverse ensuite directement dans un bidon de 20litres.
Le liquide ainsi recueilli est stocké durant un certain temps puis vendu à raison de 3000 ariary l’unité (bidon). Avec ce procédé très simple, l’ONG affirme pouvoir céder quelques dizaines de bidons mensuellement.
L’urine dûment transformée en engrais suite à un processus naturel est ensuite employée comme fumure pour l’enrichissement des jardins fleuris ou potagers. L’ONG fait d’ailleurs une démonstration de l’efficacité de ce type d’engrais dans sa propre cour en comparant des pots de fleurs fertilisés avec ceux non fertilisés à l’aide de cet engrais liquide, et ce en respectant un mode d’emploi particulier. Les résultats obtenus sont assez impressionnants. Les plantes poussent très bien avec ce fertilisant liquide naturel.
Une telle initiative mérite d’être vulgarisée largement notamment dans les zones enclavées où les engrais manquent cruellement. En se basant sur une moyenne annuelle de 500 litres d’urine par personne, les paysans malgaches peuvent déjà assurer la fertilisation de plusieurs centaines de milliers d’hectares de terres agricoles. Mais pour y arriver, encore faut-il inciter tous les ménages à disposer de toilettes, et le cas échéant à abandonner cette coutume absurde interdisant l’utilisation de latrines.
Cet article a changé ma vie, Merci du fond du coeur !
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Je vous en prie.
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