Un atelier national sur les mangroves s’est tenu du 23 au 25 juillet dans la ville de Toliara. Organisé par le projet USAID Hay Tao, avec l’appui de l’USAID Madagascar et en collaboration avec le MEDD et le MAEP, cet atelier national a vu la participation de plus de 200 personnes issues de divers horizons, dont l’auteur de ce blog qui a joué le rôle de facilitateur.
Cet atelier a offert une grande opportunité aux différentes catégories de parties prenantes tels les scientifiques, les praticiens de la conservation, les gestionnaires de sites, les responsables étatiques, les collectivités territoriales décentralisées, la société civile, le secteur privé et les communautés locales de partager leurs connaissances, d’échanger les expériences et de développer une feuille de route en vue de l’élaboration d’une stratégie nationale pour la gestion des mangroves à Madagascar.
Madagascar renferme 2% des mangroves mondiales
La présentation de l’état des lieux des mangroves sur le plan biologique et écologique a été l’un des points forts de cet atelier. Bien que la superficie totale des mangroves de Madagascar diffère d’une source à une autre, de nombreux auteurs s’accordent à dire que les mangroves de la Grande île représentent environ 2% des mangroves mondiales, 20% des mangroves africaines et 30% des mangroves de l’Océan Indien Occidental.
En ce qui concerne sa répartition au niveau national, environ 98% des mangroves de Madagascar se trouvent dans la côte Ouest Malagasy et ces mangroves représentent 1,43% de la couverture forestière de Madagascar.
En termes de biodiversité, les huit espèces de palétuviers qui constituent les mangroves de Madagascar abritent de nombreux Mammifères, Oiseaux, Reptiles et Amphibiens, Poissons, Crustacées, Gastéropodes. Parmi ces animaux, l’on cite surtout cinq espèces d’oiseaux endémiques en danger d’extinction.
Il est prouvé que ces mangroves assurent des fonctions écologiques indispensables en jouant un rôle important dans le cycle des nutriments, le stockage de carbone, la protection du littoral, la production des ressources halieutiques. Elles servent en même temps comme habitat et nourricerie pour la faune, un filtre naturel contre les pollutions, et un écran aux rayonnements Ultra-Violet de type B.
De nombreuses études/recherches ont été déjà menées par différentes institutions de recherche, des ONG de conservation ou des doctorants sur les mangroves de Madagascar, dont des travaux d’inventaire et/ou de suivi écologique, des études de vulnérabilité face au changement climatique, des études relatives au stockage de carbone, etc.
Les mangroves, un rôle considérable sur le plan socio-économique
L’état des lieux des mangroves sur le plan socio-économique a également fait l’objet de présentation et de larges discussions au cours de cet atelier national. En effet, ce type d’écosystème joue aussi un rôle majeur dans la vie des populations grâce entre autres aux produits ligneux et non ligneux qu’il fournit.
Premièrement, comme pour les autres types de formation végétale, les différentes parties d’un palétuvier sont utilisées dans la médecine traditionnelle par les paysans. Si certaines feuilles guérissent le mal de ventre, la jaunisse et la diarrhée, voire le mal de dos, le résine est un médicament pour soigner le mal aux dents, tandis que l’écorce sert à atténuer les douleurs abdominales, etc.
Si la production de miel n’est pas encore très répandue dans toutes les zones de distribution des mangroves de Madagascar, la pêche aux crabes y constitue en revanche l’une des activités génératrices de revenu les plus pratiquées. Certains auteurs parlent d’une augmentation de production de 50% depuis 2013. Si l’exportation de crabes n’aurait augmenté que de 23%, sa valeur aurait été multipliée par 3,1 (de 10,6 à 33,3 milliards d’Ariary entre 2012 et 2017).
L’on cite également la production de soie sauvage de mangroves, un fil produit par une chenille séricigène appelée Borocera madagascariensis, qui est une espèce endémique de Madagascar. Certaines espèces de mangroves constituent les arbres hôtes de ce ver à soie. Toutefois, cette pratique s’observe uniquement dans la Commune Rurale de Boanamary à Mahajanga.
L’aquaculture industrielle et artisanale/familiale de crevettes au niveau des mangroves a également connu un net développement depuis 1990. L’on a recensé au moins trois grandes industries crevettières, à savoir Aqualma Mahajamba, LGA Ambavanakarana et Aquamas Soalala. Cependant, la propagation d’un virus dans les eaux du Canal de Mozambique a entrainé une chute de production des crevettes d’élevage à partir de 2013 et la reconversion de certaines sociétés.
L’écotourisme est également en train de se développer au niveau de certains sites de mangroves, tels le site d’Ambondrolava à Toliara, la baie d’Ambaro à Ambanja, et le site de Mahavavy Kinkony à Mahajanga.
Mais, un écosystème fortement menacé
Comme tous les autres écosystèmes forestiers malgaches, les mangroves subissent également de très fortes pressions souvent d’origine anthropique dont premièrement la conversion en terre agricole. En effet, des milliers d’hectares de mangroves ont été défrichés pour la riziculture, en particulier aux extrémités en amont des forêts marécageuses estuariennes. Certaines ont été converties en marais salants.
La seconde menace provient de l’exploitation illicite et abusive des palétuviers, d’un côté pour le commerce illicite en bois de mangroves pour l’approvisionnement des grandes villes, et de l’autre côté pour l’utilisation locale pour la construction et le bois énergie. Le troisième type de pression concerne la conversion des forêts en aquaculture de crevettes, notamment dans le Nord-ouest de Madagascar.
Le développement urbain menace également constamment les mangroves, notamment celles se trouvant aux alentours des grandes villes et des villes touristiques, à l’instar de Mahajanga, Toliara, Morondava et Sainte Marie.
Un autre phénomène est aussi signalé. Il s’agit de la sédimentation côtière, l’érosion et l’envasement portés par les rivières chargées de sédiments en raison de la déforestation et de la surexploitation en amont, sans oublier les effets du changement climatique sur les mangroves.
Enfin et pas le moindre, le phénomène de migration commence à avoir un impact significatif sur les mangroves. Les zones côtières de Madagascar sont de plus en plus touchées par la migration interne, les ménages agricoles pauvres se déplaçant vers la côte à la recherche de moyens d’existence plus sécurisants.
Vers une stratégie nationale pour la gestion des mangroves
Cet atelier national a été l’occasion pour tous les acteurs concernés d’identifier de nombreuses problématiques touchant les mangroves de Madagascar que ce soit sur le plan biologique, écologique ou socio-économique. Il en est de même pour les problématiques liées à la gouvernance, que ce soit au niveau local, au niveau institutionnel ou sur les mécanismes de financement des projets de conservation des mangroves.
Un autre point fort de cet atelier a été le partage d’expériences par les participants étrangers qui ont déjà effectués de nombreuses études/actions pour la protection et/ou la valorisation des mangroves dans divers pays. La présentation des fruits des travaux des chercheurs sur les mangroves à Madagascar a également été très enrichissante à l’instar des travaux menés par un doctorant de l’Université de la Réunion sur la télédétection et la cartographie appliquées sur les mangroves, ainsi que les travaux de recherche mis en oeuvre par l’IRD.
Il ressort finalement des ces trois jours d’atelier la formulation de plusieurs solutions et de recommandations en vue de l’élaboration d’une stratégie nationale pour la gestion des mangroves. Ces recommandations sont regroupées dans sept grandes catégories, à savoir : la révision des cadres juridiques et réglementaires, les mesures d’accompagnement relatives aux cadres règlementaires, les recommandations liées aux différentes structures de gouvernance, les mécanismes et outils de travail, l’amélioration des financements, et le partenariat stratégique entre les acteurs.
Ces recommandations étant déjà parvenues aux autorités, l’un des grands résultats de cet atelier a été la déclaration officielle commune des deux Ministères chargés respectivement de la pêche et de l’environnement (MAEP et MEDD) en faveur d’une vision commune sur la gestion durable des mangroves et de conjuguer leurs moyens pour obtenir de meilleurs résultats dans la conservation et la valorisation des ressources.
Après les trois jours d’atelier à l’hôtel Amazone Toliara, tous les participants ont été invités à célébrer la journée internationale des mangroves le 26 juillet 2019 à Ambondrolava qui se situe à quelques kilomètres seulement au nord de la ville de Toliara. Cette célébration nationale de la journée internationale des mangroves a été marquée par des activités de reboisement de mangroves avec la population de cette localité.
Rasamy