Téléphérique d’Antananarivo: entre atout et défi?

Téléphérique d’Antananarivo: entre atout et défi?

Le téléphérique est désormais une réalité qui façonne le paysage urbain à Antananarivo. Fort de mon expérience en aménagement du territoire et en environnement à Madagascar, il me semble essentiel de dépasser les débats initiaux et de réfléchir concrètement à la manière de tirer le meilleur parti de cette infrastructure.

Une solution aux embouteillages ?

Soyons réalistes, le téléphérique ne résoudra pas les embouteillages chroniques de la Capitale malgache, contrairement aux dires de certains politiciens. Les rues de Tanà restent congestionnées, et il serait illusoire de penser le contraire. Cependant, il offre une importante alternative de mobilité pour certains usagers, notamment ceux qui effectuent le trajet Ambatobe- Ivandry – Anosy. Pour ces travailleurs, étudiants ou élèves, le téléphérique peut représenter un gain de temps significatif, à condition que leur domicile et leur lieu de travail soient situés à proximité des stations.

Dans mon rôle d’enseignant en aménagement du territoire, je m’interroge sur l’intégration de cette nouvelle infrastructure dans le tissu urbain existant : favorise-t-elle un développement harmonieux de la ville, ou risque-t-elle de renforcer les inégalités spatiales ? Seul l’avenir nous dira si cette infrastructure contribuera à une ville plus équilibrée, mais il est de notre devoir de veiller à ce que son impact soit positif pour tous les habitants.

Un investissement rentable?

Le coût du téléphérique (160 millions d’euros) est indéniablement élevé. Au rythme actuel de fréquentation, il est peu probable que l’investissement soit rentabilisé à moyen terme. En tant que défenseur d’un aménagement du territoire équilibré, je pense que cet argent aurait pu être investi dans des projets plus structurants, tels que l’amélioration des infrastructures routières ou l’accès aux services de base dont l’accès à l’eau et à l’électricité qui fait souffrir tout Tanà actuellement.

Mais le passé est le passé. L’infrastructure est en place, et il est temps de se tourner vers l’avenir et d’explorer les pistes de valorisation. Car ne l’oublions pas, il s’agit avant tout d’un service public : l’objectif n’est pas forcement de faire des profits, mais d’améliorer la vie des Tananariviens.

Une intégration urbaine bien pensée ?

Il est crucial de penser l’aménagement des abords des stations de téléphérique, afin de favoriser l’intermodalité avec les autres modes de transport (bus, taxis, vélos, motos) et de créer des espaces publics conviviaux. Pouvoir laisser sa voiture, son vélo ou sa moto sur le parking de la station puis prendre le téléphérique serait une option de mobilité plus interessante.

Une réflexion sur les dessertes piétonnes et les aménagements paysagers est également nécessaire. En effet, l’intégration du téléphérique dans le tissu urbain existant est un défi majeur, qui nécessite une approche globale et concertée. Il ne suffit pas de construire des stations. Il faut repenser l’aménagement de leurs abords afin de créer des espaces de vie agréables et fonctionnels.


Tourisme durable, un levier à activer

Le téléphérique offre une vue imprenable sur Antananarivo. Il peut devenir un atout pour le développement d’un tourisme durable, en permettant aux visiteurs de découvrir la ville sous un angle différent, tout en réduisant leur empreinte environnementale. Une campagne de communication ciblée, mettant en valeur le patrimoine bâti et naturel de la capitale, pourrait attirer un public intéressé par un tourisme responsable. Il peut aussi encourager les habitants eux-mêmes et ceux des autres régions à redécouvrir Antananarivo et à s’approprier ce nouvel espace de mobilité.

Transition énergétique, une urgence!

De par ma connaissance du territoire, je suis particulièrement préoccupé par le mode d’alimentation du téléphérique, qui repose actuellement sur des groupes électrogènes. L’alimentation du téléphérique doit impérativement évoluer vers des solutions propres, qu’il s’agisse du réseau électrique ou des énergies renouvelables, et ce dans les plus brefs délais. La transition énergétique du téléphérique est un enjeu majeur pour la crédibilité de ce projet.

Entretien rigoureux, un impératif absolu!

L’argent issu de la vente des billets doit être prioritairement affecté à l’entretien et à la maintenance du téléphérique. Il est essentiel de garantir la sécurité et le confort des usagers, en assurant un fonctionnement optimal sur le long terme. Il est important de souligner que la moindre défaillance ou le moindre accident pourrait avoir des conséquences désastreuses, tant sur le plan humain que sur la confiance des usagers envers ce mode de transport. L’impact psychologique d’un tel événement serait impensable et pourrait durablement compromettre l’adhésion de la population au téléphérique

Bref, le téléphérique d’Antananarivo est un défi pour l’aménagement du territoire. Je crois qu’il est possible de le transformer en un atout pour la ville, à condition de l’intégrer harmonieusement dans le tissu urbain, de promouvoir un tourisme durable et d’engager une transition énergétique ambitieuse.

Rasamy

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