A Antananarivo, il suffit de lever les yeux pour constater une réalité frappante : les édifices religieux, tels des phares spirituels, jalonnent chaque quartier. Un phénomène qui s’étend bien au-delà de la capitale, irriguant les régions de Madagascar. Mais derrière cette omniprésence, une question se pose : quel est l’impact de cette expansion sur notre aménagement du territoire et notre patrimoine ?
Quand les rizières deviennent des lieux de prière
Autrefois, ces terres étaient le berceau de notre subsistance : des rizières ou autres parcelles verdoyantes, nourricières pour nos familles. Aujourd’hui, elles cèdent parfois leur place à des églises en construction.

Ce phénomène concerne particulièrement les « fiangonana zandriny », ces nouvelles églises qui émergent et qui, faute de terrains disponibles, s’implantent très souvent sur des parcelles agricoles. Un paradoxe saisissant, alors que notre pays, déjà confronté à la pauvreté, a un besoin vital d’accroître sa production agricole.

La construction de ces lieux de culte est un projet ambitieux, financé par la foi et la générosité des fidèles. Des familles, souvent modestes, consacrent une part importante de leurs ressources à ces édifices. Un sacrifice qui soulève une question : comment trouver un équilibre entre les aspirations spirituelles et les impératifs économiques ?

Quand l’architecture perd son âme
Dans de nombreux cas, il ne s’agit pas de nouvelles constructions, mais d’extensions de bâtiments existants. Cette situation est particulièrement visible au sein des églises FJKM, souvent implantées depuis plus d’un siècle. Ces transformations s’étalent sur des années, rythmées par les quêtes, les dîmes et les collectes en tous genres.

Mais le plus regrettable est sans doute la transformation architecturale de ces édifices. Les églises, souvent centenaires, arboraient autrefois une esthétique homogène, en harmonie avec le paysage villageois. Aujourd’hui, les extensions dénaturent ce patrimoine, effaçant le cachet originel de ces lieux chargés d’histoire. Certaines églises ressemblent davantage à un gymnase.
L’islam en expansion : un nouveau paysage spirituel
Un autre phénomène notable transforme actuellement le paysage malgache : l’essor de l’islam. Des mosquées se construisent dans les villes, le long des routes nationales, et jusque dans les coins les plus reculés du pays. Ces nouveaux édifices religieux modifient l’aspect des lieux, en particulier dans les zones rurales.

Bien que l’histoire de Madagascar soit marquée par l’animisme et le christianisme, l’islam semble gagner du terrain. Cette expansion se traduit concrètement par une occupation de l’espace, avec des mosquées qui viennent s’ajouter aux églises et autres lieux de culte traditionnels.
Un appel à la conscience collective
Face à cette expansion religieuse diversifiée – églises, mosquées, et autres lieux de culte – comment concilier foi, développement durable et respect de notre patrimoine ? Comment assurer un aménagement du territoire harmonieux qui reflète la richesse spirituelle de Madagascar tout en préservant son identité culturelle et en garantissant sa sécurité alimentaire ?
Il est temps d’ouvrir le dialogue, d’interpeller les autorités compétentes, les responsables religieux de toutes confessions, et les fidèles. Plutôt que de laisser l’expansion se faire de manière anarchique, il est essentiel de mettre en place une planification urbaine et rurale qui intègre les besoins des différentes communautés religieuses, en tenant compte des contraintes foncières et environnementales.
Enfin, il est impératif de valoriser le patrimoine, en sensibilisant les communautés à l’importance de préserver leur histoire et leur identité culturelle, en protégeant les bâtiments anciens et les sites historiques. L’essor spirituel de Madagascar est une richesse indéniable, qui se manifeste sous différentes formes. Mais il ne doit pas se faire au détriment de notre patrimoine, de notre sécurité alimentaire, ni de la cohésion sociale.
Rasamy
Note: Certaines photos utilisées pour illustrer cet article ont été prises sur Facebook