À Madagascar, parler d’électricité, c’est souvent parler de délestages et de factures qui grimpent. Mais au milieu de ce tableau un peu sombre, un nom revient inlassablement comme une promesse de jours meilleurs : Sahofika. Depuis près de dix ans, ce projet de barrage est présenté par tous nos dirigeants successifs comme le « messie » énergétique de la Grande Île. Pourtant, sur le terrain, pas encore le moindre coup de pioche. Alors, pourquoi tant de bruit pour ce projet fantôme ?
C’est quoi exactement, Sahofika ?
Pour faire simple, il s’agit d’une infrastructure hydroélectrique colossale à installer sur la rivière Onive, à une centaine de kilomètres au sud-est d’Antananarivo. Ce n’est pas juste un barrage de plus. C’est un monstre de puissance dans la mesure où avec ses 192 mégawatts annoncés, et une capacité pouvant grimper jusqu’à 300 MW, Sahofika peut changer radicalement la donne sur la production d’électricité dans la Grande île.

L’aménagement consiste à construire un mur de plus de 60 mètres de haut pour créer un immense réservoir. Ce dernier permettrait de stocker l’eau et de continuer à produire de l’électricité même quand il ne pleut pas, contrairement à nos centrales actuelles, comme Andekaleka, qui peinent durant l’étiage. Une fois produite, cette énergie passera par une ligne haute tension directement jusqu’à la Capitale pour irriguer tout le Réseau Interconnecté d’Antananarivo (RIA).
Pourquoi ce projet est-il vital pour nous ?
L’enjeu n’est pas seulement d’avoir de la lumière à la maison, c’est surtout une question de survie économique. Aujourd’hui, la JIRAMA se ruine en achetant du carburant pour faire tourner des centrales thermiques polluantes et coûteuses. Sahofika, c’est la promesse d’une énergie propre et surtout beaucoup moins chère.

Si ce barrage voit le jour, le coût de production du kilowattheure chuterait drastiquement. Cela permettrait à la JIRAMA de respirer financièrement et, on l’espère, de stabiliser enfin le prix pour les consommateurs. De plus, cela nous rendrait moins dépendants des importations de gasoil.
Mais alors, qu’est-ce qu’on attend ?
C’est là que le bât blesse. Si le projet est techniquement prêt et économiquement viable, il semble coincé quelque part. Annoncé sous l’ère Rajaonarimampianina, relancé en grande pompe sous le mandat Rajoelina, Sahofika souffre de la complexité de ses coulisses.
Entre les négociations interminables sur le prix de rachat de l’électricité, les garanties financières exigées par les investisseurs internationaux et les études d’impact environnemental très strictes, le temps file. Il ne faut pas oublier non plus la lourdeur administrative et l’instabilité politique qui, à chaque changement de ministre ou de directeur, semblent remettre les compteurs à zéro ou presque. Le fameux « closing financier », cette étape où l’argent est enfin débloqué pour démarrer les travaux, a été repoussé maintes fois.
Sahofika reste, sur le papier, la meilleure carte à jouer pour sortir Madagascar de la crise énergétique. Mais tant que les turbines ne tourneront pas, il restera ce mirage magnifique que l’on nous vend à chaque élection. La rivière Onive continue de couler tranquillement, indifférente aux promesses, tandis que les malgaches continuent d’écouter le ronronnement des groupes électrogènes.
Récemment, les nouveaux dirigeants de Madagascar ont reçu une délégation des bailleurs de fonds pour la réactivation de Sahofika. Espérons que cette fois, c’est la fin des promesses et le début de la réalité. Croisons les doigts.
Rasamy