Bien que Madagascar dispose de plusieurs dizaines d’Aires Protégées réparties dans ses 22 Régions, quelques unes d’entre elles seulement sont très connues par le public dont principalement les Parcs Nationaux qui sont gérés par MNP. D’autres catégories d’aires protégées ont pourtant vu le jour ces dernières années dont les Nouvelles Aires Protégées (NAP) de catégories V et VI mises en place dans le cadre du SAPM ou Système des Aires Protégées de Madagascar.
Parmi ces NAP récemment créées figure le Complexe d’Aires Protégées Ambohimirahavavy Marivorahona (CAPAM). Situé à cheval entre les Régions de DIANA, SAVA et SOFIA, soit dans le Nord de Madagascar, il s’agit comme son nom l’indique d’une association de quelques aires protégées, à savoir la RNI Tsaratanàna, le Corridor forestier reliant Marojejy et Tsaratanàna ou COMATSA, et les sites de Bemanevika et Mahimborondro. Cette NAP est méconnue tant par les malgaches que les touristes étrangers alors qu’il s’agit non seulement de l’une des aires protégées les plus riches en biodiversité à Madagascar mais en même temps l’une des plus importantes en termes de superficie.
- Le toit de Madagascar
Ce Complexe a la particularité d’une part d’être formé par plusieurs types d’écosystèmes, mais avec une prédominance des formations forestières. D’autre part, la zone est caractérisée par une grande hétérogénéité topographique dont l’altitude varie de 510 m à plus de 2000 m. Les points culminants sont constitués essentiellement par les trois sommets: Maromokotra qui n’est autre que le toit de Madagascar avec une altitude égale à 2876 m, Ambohimirahavavy à 2015m d’altitude et Marivorahona qui culmine à 2236 m.
- Un réservoir d’eau inestimable
De par sa morphologie et son étendue, le CAPAM possède un réseau hydrographique impressionnant et vital pour la région environnante. En effet, les principales rivières de la région comme Sambirano et Ramena du District d’Ambanja, Mahavavy dans le District d’Ambilobe et Sandrakota de Bealanana prennent leur source dans cette NAP. Les sites de Bemanevika et Mahimborondro alimentent de nombreux cours d’eau comme la rivière Sandrakota et ses trois principaux affluents (Morapitsaka, Ampatika et Ambongamarina) qui constituent les principales sources d’eau de nombreuses localités dont la Commune Rurale Antananivo-haut.
Les lacs, à part leur richesse en oiseaux, constituent un véritable château d’eau tandis que les marais, les marécages et les savanes sont des types d’habitats critiques qui jouent un rôle écologique et agro-écologique crucial pour cette zone. Cet endroit abrite le plus grand nombre de Busard de Madagascar Circus macrosceles dans le pays, cette espèce aviaire en danger ayant besoin des marais et marécages pour sa nidification et pour le refuge, et d’un espace ouvert de savane pour roder. Le plus important concerne la zone de Bedrakidraky.
- Des potentialités touristiques énormes
Le CAPAM devrait faire partie des sites touristiques les plus importants à Madagascar de par les richesses qu’il recèle tant du point de vue paysage, écosystème, biodiversité, que culturel. D’autant plus qu’il est très propice à plusieurs types de tourisme allant du tourisme de découverte, jusqu’au trekking vers les hautes montagnes en passant bien evidemment par l’écotourisme classique mais aussi le tourisme rural, sans oublier le tourisme spécial ornithologique au niveau des lacs.
Les formations végétales du CAPAM varient en fonction de l’altitude. Du point de vue spécifique, cette NAP est classée parmi les sites les plus fournis en flore. En ce qui concerne la faune, le CAPAM abrite au moins 92 espèces de Reptiles, 110 espèces d’Amphibiens, 21 espèces de lémuriens, 41 espèces de micromammifères et 153 espèces aviaires.
Toutefois, les activités touristiques se limitent actuellement au « bird watching » au niveau des zones lacustres et marécageuses autour de Bemanevika. Ces sites permettent de satisfaire les curiosités des grands spécialistes en oiseaux du monde entier. Les autres endroits de CAPAM, en dehors de la Réserve Naturelle Intégrale de Tsaratanàna qui ne peut accueillir aucun visiteur du fait de son statut de protection, demeurent « vierges » sur le plan touristique à cause de l’inaccessibilité surtout mais également suite à l’absence d’infrastructures d’accueil sans parler du manque d’information sur le site.
- Des terres particulièrement fertiles sur les lisières forestières
Les plaines de Bealanana et de Mangindrano sont occupées par de vastes formations marécageuses. Les rizières gagnées par les marais sont localisées essentiellement au pourtour des cuvettes de Bealanana et d’Andapa. La superficie moyenne cultivée des rizières est de 1ha sur l’ensemble des Districts mais pouvant atteindre plus de 10ha pour certains ménages.
Certaines Communes du côté orientale du Couloir Forestier telles Ambodiangezoka, Doany, sont vues comme étant des grands jardins de vanille à Madagascar. D’importantes parcelles en milliers d’hectare y sont colonisées par la vanille. Les sols de bas de pente du versant Ouest de la forêt sont le domaine de prédilection d’abondantes plantations de café. Le caféier et Cacaotier sont cultivés depuis des décennies au pourtour de la forêt. De nombreux villages possèdent une pépinière de café et de cacao entretenue par les habitants, et la plantation colle souvent au village sur les terrains à l’abri des inondations.
Du fait de leur enclavement, très loin des localités administratives, certains endroits tout près voire dans la NAP sont devenus un réfuge idéal pour les planteurs de cannabis, notamment dans la vallée de Ramena. Les accès vers ces zones étant farouchement vérouillés par les planteurs, elles sont totalement impénétrables pour les visiteurs.
Cette zone a également été autrefois une grande région d’élevage, au même titre qu’Ihosy dans le Sud de Madagascar. Bien que l’élevage bovin ait plutôt un caractère contemplatif où le cheptel est envoyé dans les prairies ou dans la forêt, il a une potentialité considérable dans l’économie régionale.
- Un plan d’aménagement et de gestion en cours de mise en oeuvre
Cette AP qui occupe une surface totale de plus de 500.000 Ha a obtenu son décret de création définitive en 2015 grâce au Projet MRPA ou Managed Ressources Protected Areas, avec l’appui financier du GEF/PNUD. La gestion du Complexe est assuré par trois (03) délégataires de gestion différents : MNP qui gère la RNI Tsaratanàna, le WWF qui assure la gestion du Corridor forestier COMATSA et The Peregrine Fund pour les sites de Bemanevika et Mahimborondro. Ces entités collaborent pour une bonne cohérence des actions, avec une des entités assurant le rôle de coordination.
Le plan d’aménagement de la NAP qui a été élaboré avec la participation active de nombreux acteurs aussi bien au niveau local, régional que national prévoit outre une zone de protection exclusive, la mise en place d’une zone d’utilisation durable qui est constituée en grande partie par les transferts de gestion des ressources naturelles existants et les autres zones transférables aux communautés locales. Il s’agit donc d’une ceinture verte autour du Noyau dur et où la population peut exercer des activités d’exploitation rationnelle des ressources.
Pour faciliter la gestion de la NAP, de nombreuses unités locales de gestion ou COBA ont été déjà créées et se sont regroupées en Union de COBA. En général, le regroupement de ces communautés locales de base correspond aux limites administratives et au zonage de l’AP. Le but ultime de la mise en place de ces unions consiste à unifier toutes les COBA pour marquer la ceinture verte de la nouvelle aire protégée.
Le CAPAM est accessible bien que très difficile à partir d’Antsohihy vers Bealanana dans la Région de SOFIA, et depuis Andapa dans la SAVA. Il est clair que l’inaccessibilité des localités aux alentours du Complexe constitue indiscutablement un facteur de blocage au développement de cette zone qui comme décrite précédemment, non seulement possède des attraits touristiques importants mais est en même temps considérée comme une zone à haute potentialité agricole, tant en production de riz qu’au niveau des cultures de rente (Cacao, Café, Vanille). C’est pourquoi l’aménagement des infrastructures routières constitue un axe prioritaire pour son développement.
P.S: Ce billet est en quelque sorte une synthèse des différents rapports sur le CAPAM (Inventaires, PAG, PGESS) que nous avons établis en vue de l’obtention de son décret de création définitive. Il a uniquement pour but de faire connaître à mes lecteurs l’existence de ce « paradis » encore peu connu à Madagascar.
Une réflexion au sujet de « Ambohimirahavavy Marivorahona, au sommet de Madagascar »