La lecture de nombreux billets sur les situations catastrophiques auxquelles notre pays en général et Tana en particulier sont confrontés actuellement m’a poussé à écrire ce texte en ce bon dimanche. En effet, en lisant certains de ces articles, on dirait que le ciel nous tombera très prochainement sur la tête. Certes, la vie est très dure mais tout n’est quand même pas aussi sombre.
La Grande Ile est très connue pour l’extrême pauvreté dans laquelle vit une très large majorité de sa population mais aussi de par le fait que cette même population figure parmi les plus souriantes du monde. Quel paradoxe! Ben, c’est justement ça notre particularité qui pourrait être liée à notre insularité. Certains diront que les malgaches sont des imbéciles heureux, une remarque cinglante et méchante mais pas totalement erronée. Cependant, son « imbécillité » ne va jamais jusqu’à faire de lui un kamikaze pour massacrer des gens innocents sous le couvert de l’application stricte d’un dogme ou d’une religion quelconque, alors que ce ne sont pas les gourous dotés d’une capacité redoutable d’endoctrinement qui manquent ici. Aussi, Madagascar est-elle jusque là un paradis par comparaison aux nombreux autres pays où la peur du terrorisme et d’attentats pèse lourdement et de manière permanente sur la tête des citoyens. D’ailleurs, Madagascar ne connaîtra jamais la guerre civile, les combats ethniques ni les conflits religieux.
Une population démunie de tout confort mais qui continue de porter très haut le respect des aînés. Laisser les vieux parents ou grands parents finir leur vie dans un hospice ou un autre endroit de ce genre est impensable. Sa pauvreté ambiante ne l’empêche pas de perpétuer l’esprit du « valim-babena ». De même, légaliser un mariage homosexuel demeure inacceptable, le célébrer dans une église est d’autant plus utopique. Je suis loin d’être un homophobe, mais si je refuse l’homosexualité, c’est moins par respect de ma foi chrétienne ou de nos valeurs ancestrales que par peur de voir un jour un de mes descendants devenir gay ou lesbienne. Pour toutes ces raisons, je préfère vivre à Madagascar.
Je continue ce billet pour parler de ma ville natale. Tana est une ville polluée où les infrastructures sont vétustes, les embouteillages font partie du lot quotidien des automobilistes dont beaucoup feignent d’ignorer le code de la route, l’enlèvement des ordures reste une éternelle problématique majeure, les inondations demeurent insolubles, les marchands ambulants sont intouchables, les constructions illicites pullulent, les pickpockets ne cessent d’innover leurs modes opératoires, les violeurs, braqueurs et kidnappeurs se multiplient, les tireurs de pousse-pousse et de charrettes font la loi, les hauts fonctionnaires de l’Etat se pavanent en voitures de luxe dans un océan de misère, le revenu mensuel de la plupart des ménages dépasse rarement 100 euros, etc.
Oui, c’est vrai !! Pourtant dans cette même ville, les gens restent la plupart du temps souriants et accueillent les étrangers à bras ouverts, contrairement à plusieurs autres capitales où la xénophobie prend davantage d’ampleur. A Tana, la vie communautaire et la mixité sociale ne s’inventent pas, presque tous les habitants du même quartier ou secteur se connaissent, les enfants jouent ensemble, même le deuil se transforme toujours en retrouvailles entre les membres de la grande famille et toutes les connaissances, les mariages et autres fêtes familiales se célèbrent sans modération. Bref, l’isolement et le chacun pour soi sont largement moins prononcés que dans beaucoup d’autres Nations. Ici, les fruits et légumes frais sont non seulement de bons marchés mais particulièrement abondants, contrairement à ce qui se passe dans les pays développés où l’on se contente très souvent des aliments surgelés avec leurs impacts sur la santé, les produits frais y étant beaucoup trop chers. Tiens, ce qui suit est pour moi très important, trouver des ouvriers spécialisés en bricolage, réparation, dépannage en tout genre, de surcroît à des honoraires très abordables, est chose facile, alors qu’ailleurs ce genre de service peut coûter les yeux de la tête tellement ces petits boulots sont rarement pratiqués. Pour tout ça, je ne pourrai jamais vivre longtemps ailleurs.
Quant aux milieux ruraux malgaches, hormis le fait qu’on a surtout des paysans pauvres suite à des techniques de production archaïques ne permettant plus de nourrir une démographie galopante, Madagascar n’a rien à envier des autres pays notamment en termes de paysages, de tranquillité et de diversité. Des lieux paisibles et toujours verdoyants où l’entraide et les autres valeurs traditionnelles sont farouchement gardées. Bien évidemment, je ne peux parler de beautés de Madagascar sans citer sa multitude d’aires protégées avec leur richesse en biodiversité, dont les plus célèbres et les plus visitées sont, du nord au sud Montagne d’Ambre, Ankarana, Ankarafantsika, Ambohitantely, Ranomafana, Berenty et Andohahela. Tandis que de l’Est a l’Ouest on a Masoala, Andasibe, Andringitra, Isalo, Kirindy et Bemaraha. Je me demande bien pourquoi les dirigeants malgaches ont toujours tendance à passer leurs vacances ailleurs, alors que ces beaux sites malgaches peuvent très bien leur donner entière satisfaction, d’autant qu’en les fréquentant, ils contribuent à leur préservation.